« Mes chers parents je pars, je vous aime mais je pars… » chantait notre Michel Sardou national. Devenir adulte est un passage obligé. Etre en quête de soi, vivre les ruptures nécessaires et suivre le cours de la vie font partie de ce processus. Réflexion autour de cette étape incontournable dans la vie d’un être humain.
Devenir adulte, c'est (enfin) devenir soi-même
Arrêt sur image. Abram, 75 ans, surgit sur la scène biblique et avec lui énormément d’enseignements. Dieu l’appelle à partir, à quitter son pays, sa patrie et la maison de son père. 3 dimensions de vie différentes. Le pays, c’est géographique, la patrie également mais c’est aussi culturel. La maison du père, c’est la famille de sang, voire la famille spirituelle. Abram arrive à un moment de sa vie où il doit quitter tout cela. Mais, dans son essence, cet appel au départ implique davantage. On peut le comprendre comme « Va vers toi » et « Va pour toi ». Est-ce égoïste de partir pour soi, quittant pays, patrie et famille ? Apparemment, non. Le (futur) patriarche arrive à un stade de sa vie où il doit partir pour lui (et sa femme !). Mais il doit également partir vers lui. Il est appelé à devenir (enfin) adulte. Devenir totalement lui-même. Etre adulte, c’est être un envoyé qui part, qui laisse derrière lui tout ce qu’il a toujours connu, ce qui a contribué à sa construction. Abram doit devenir à partir de ce moment, non pas la personne majeure à part entière, mais la personnalité qui marquera durablement l’Histoire de son empreinte.
Jésus a également connu cela lors de son premier miracle, les noces de Cana. Marie s’adresse à lui pour l’avertir d’un manque de vin. Il lui répond « Femme ! », et non pas « Mère ! ». Il quitte, symboliquement, la maison de son père (et de sa mère). Il a 30 ans. Il démarre sa grande mission de vie sur cette terre. La réponse de Marie est « Faites tout ce qu’Il vous dira. ». Jésus est, à ce moment précis, complètement adulte. Il va pour Lui et vers Lui. Pas égoïstement, mais comme un don de soi pour un plus grand nombre. Un envoyé dans le monde, pour le monde, affranchi de l’autorité maternelle. Le cordon est coupé.
L'adulte et la nécessaire (et parfois incompréhensible) rupture
Continuons de cheminer avec Abram. Il est en route vers le pays de Canaan, lieu des promesses de Dieu. La rupture avec son passé est réelle, physique. Jésus vit la même expérience. Il accomplit sa mission. Est-il compris par sa famille ? Par sa mère en particulier ? Il semble que ce ne soit pas toujours le cas. A un moment donné, ses proches vont même croire qu’Il a perdu la raison. Le passage à l’âge adulte s’accompagne d’une incompréhension à un moment ou à un autre. D’ailleurs, Jésus a clairement annoncé à ses disciples qu’Il vient mettre la division dans les familles. Il faut le préférer à parents, frères et soeurs si on veut être digne de lui. C’est très fort et exigeant. Et qui sont la mère, les frères et les soeurs de Jésus ? Ceux qui font la volonté de Dieu le Père. La famille de sang peut en faire partie, voire la famille spirituelle d’origine, mais tout ne se résume pas à elles.
Le récit de Joseph est également extrêmement interpellant. Il est vendu par ses frères de sang. Une rupture existentielle violente pour lui. Il devient adulte à marche forcée, bien malgré lui, traversant des épreuves terribles. En réalité, ses grands frères sont moins adultes que lui, n’ayant jamais quitté le connu pour affronter l’inconnu. Mais des années plus tard, ils sont dans l’obligation d’emprunter la même route que Joseph, dans des circonstances différentes. Ils deviennent pleinement adultes et ont la vie sauve grâce à lui. Ironie de l’histoire.
Etre (pleinement) responsable : accepter les séparations naturelles
Bien évidemment, devenir adulte c’est se séparer du monde estudiantin pour embrasser une carrière professionnelle, gagner sa vie par soi-même. C’est aussi trouver l’âme-soeur et vivre le fameux « l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme » biblique. Le grand plan de Dieu pour l’humanité.
Etre responsable à 100%, c’est aussi intégrer que la vie a une issue qui s’appelle la mort. La sienne et celles des autres, des proches. Ces séparations font partie du processus naturel de responsabilisation. Revenons à Abram. Il répond totalement au grand appel de sa vie après que son père Térah meurt à Haran, la ville des « petits fruits ». Jésus, mourant sur la croix, prend le temps de confier sa mère au disciple qu’Il aime. Il a bien conscience que Marie va entrer dans une nouvelle phase de sa vie et que l’absence du fils ainé va modifier beaucoup de choses pour elle. Jésus sait ce que représente la mort d’un proche. Il connaît l’impact que cela peut avoir dans la vie d’une personne.
Mais si on y réfléchit bien, ces évolutions naturelles (travail, mariage et décès) font grandir, avancer mais, à elles seules, ne suffisent pas à devenir pleinement adulte. Le fils ainé de la parabole du « fils prodigue » s’inscrit probablement dans cette logique et pourtant il passe peut-être à côté de sa vie. En tout cas tout autant que le cadet. La fidélité et la loyauté coûte que coûte envers son père ne le rend pas davantage adulte libre de ses choix. Et n’oublions pas que Laban a eu très peu de considération pour ses 2 filles qui travaillaient pour lui. Non, devenir adulte c’est plus que suivre le processus naturel de la vie.
Abram, l’homme de foi, représente l’adulte aventurier par excellence. Il est parti sans savoir où il allait, s’appuyant uniquement sur la Parole de Dieu pour lui. Etre un aventurier, ce n’est pas vivre sans aucune attache, au grès du vent, fuyant les responsabilités, recherchant son unique plaisir. Non ! Etre un aventurier, c’est naviguer sur l’océan pour vivre sa vie, tout en ayant un port d’attache. C’est comprendre la nécessité de l’enracinement, l’arbre, et l’indispensable voyage de la vie, la pirogue. Et cette apparente contradiction disparaît quand on comprend que c’est avec l’arbre qu’on construit la pirogue.
Sources : La Bible, Genèse 12